Ce lundi 16 juin s’est ouvert le salon international de l’aéronautique et de l’espace au Bourget jusqu’au 22 juin. Contrairement au salon d’Eurosatory en juin 2024 et d’Euronaval en novembre dernier, Israël sera présent alors que la guerre contre Gaza s’intensifie. À cette occasion, l’Observatoire des armements publie une nouvelle note qui révèle comment des entreprises françaises, présentes au salon, poursuivent leur coopération avec Israël.

Le salon du Bourget, vitrine de notre coopération militaire avec Israël

Contrairement aux entreprises russes exclues du salon du Bourget en 2023, les sociétés israéliennes ont été autorisées à exposer par le gouvernement. La requête lancée par les associations a été déboutée par le tribunal de Bobigny le 10 juin. Une décision incompréhensible dans un contexte où des crimes de guerre sont massivement commis à Gaza. Ce deux poids deux mesures s’explique par la coopération multifacette que l’industrie d’armement française entretient avec Israël : exportations de composants (Nicomatic, Exxelia, Radiall) à des sociétés militaires comme Elbit mais aussi achat de solutions en matière d’IA (Safran) ou co-développement de nouveaux produits avec des ingénieurs israéliens (Nicomatic, STMicroelectronics). La France bénéficie ainsi d’un savoir-faire israélien perfectionné au prix du sang versé en Palestine.

La filière française en matière de connectique militaire aurait fourni des milliers de composants à Israël

Notre rapport démontre que la filière industrielle française en matière de connectique militaire (Radiall, Nicomatic, Amphenol Socapex), basée principalement en région Auvergne-Rhône-Alpes, est étroitement liée avec Israël. En nous appuyant sur des données douanières, nous avons mis en évidence des transferts de milliers de composants vers Israël de 2022 à 2025 à partir de filiales basées en Inde. Ces sociétés s’adaptent aux demandes spécialisées de leurs clients militaires israéliens. Le champ d’application de ces composants est beaucoup plus large qu’« un usage défensif » ou l’équipement du « dôme de fer » : drones, missiles, satellites…

Exxelia, accusée de complicité de crimes de guerre, poursuit ses exportations à Israël

Malgré une plainte en instruction en France pour complicité de crimes de guerre déposée en 2016, des composants Exxelia parviennent toujours en Israël, notamment à l’entreprise Elbit. Un des composants de l’entreprise avait été retrouvé dans un missile qui avait tué trois enfants et blessé grièvement deux autres d’une même famille à Gaza en 2014. Là encore, notre rapport démontre donc que les arguments mis en avant par le ministère des Armées pour justifier la poursuite des exportations à Israël sont invalides puisque les composants identifiés, comme les collecteurs tournants, peuvent se retrouver, notamment, dans les tourelles de tir…

En matière d’IA et d’électronique, les entreprises françaises « prélèvent » les innovations israéliennes

La coopération militaire entre la France et Israël dépasse de très loin les ventes de composants. En réalité, les entreprises françaises sont d’abord en quête du savoir-faire israélien en avance dans le domaine de l’IA, de l’électronique en général… STMicroelectronics et Safran prélèvent ainsi les dernières technologies de pointe « éprouvées » lors des dernières offensives contre les Palestiniens : capteurs thermiques, solutions d’IA… Des technologies dont peuvent se saisir l’armée française ou qui sont reconverties à des usages civils, comme le secteur de l’automobile.

La nécessité d’une commission d’enquête parlementaire

S’il est étayé par des éléments nouveaux, le constat n’a rien de neuf ; nous l’avons déjà mis en évidence dans un rapport co-édité avec l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) en 2017 : « La coopération militaire et sécuritaire France-Israël ». Malgré l’accumulation des crimes commis, le partenariat franco-israélien n’a jamais été étudié et remis en question par le Parlement. Comme l’ont montré les derniers débats sur l’utilisation des armes françaises au Yémen ou dans la répression en Égypte, les auditions ponctuelles de ministres ne suffisent pas pour éclairer les zones d’ombre de cette coopération et s’extraire des logiques de communication. Les parlementaires doivent s’approprier durablement le sujet, et lancer, dans le cadre de leur droit de tirage, une commission parlementaire d’enquête. Un dispositif seul à même d’évaluer notre responsabilité collective dans les horreurs qui se produisent à Gaza et de mettre fin à notre complicité.

 

SourceLes Notes de l’Observatoire n° 8 • Juin 2025 • 24 pagesContrôle des exportations Coopération industrielle Transferts / exportations

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